Nous
retrouvons la vallée du Marcadau qui nous mène au refuge Wallon, terme
de cette première étape, mais l'air de rien, il est déjà 18h45... et
la brume a fait son apparition.
Nous
sommes une douzaine de randonneurs dans cet énorme refuge de plus de
cent places, qui de l'extérieur ressemble plutôt à un bâtiment
militaire. L'intérieur, vu par les plus jeunes paraîtrait assez spartiate et vieillot.
Nous
goûtons aux joies des anciens refuges disparus! celui-ci date de
1901...
Le point positif
est le grand dortoir au 2ème étage : on peut s'étaler facilement,
même avec beaucoup de monde.
Le
repas est très correct et copieux : Potage, sauté de porc pruneaux et
cannelle, blé, fromage, crème brûlée maison.
Mardi
23 septembre 2008
Ce
matin, le brouillard est "à couper au couteau"... Cà
s'annonce mal! D'autant que le gardien du refuge ne voit pas
d'amélioration pour la journée : tout au plus, en altitude il doit
faire beau! Tout
dépend de quelle altitude il s'agit...
Nous
partons du refuge Wallon à 9heures, bien décidés à aller jusqu'à
Baysselance... Le
sentier bien tracé, balisé par des cairns, et des marques de la HRP,
passe par des clairières, en traversant des torrents. Un
sapin à l'allure de bonzaï, pousse dans une fissure de rocher. La
moindre petite ouverture dans un caillou peut être ensemencée sitôt
que l'air et l'eau y contribuent. La nature reprend toujours ses droits,
comme on dit! Patrick
et Marie Angèle sont derrière, chacun allant à son rythme. Le
brouillard est de plus en plus épais, et il tombe de fines gouttelettes... Un
peu avant le lac d'Arratille, je me retourne, et il n'y a plus personne,
alors que mes deux co-équipiers étaient là dix minutes plus tôt! J'attends
un bon quart d'heure, j'appelle... rien, pas d'écho! Je
me dis qu'il y a peut être un problème, et je redescends espérant les
retrouver plus bas. Mais pas de Patrick, pas de Marie Angèle, il n'y a
personne! Je me retrouve au point de départ à la pancarte indiquant le
refuge Wallon 15 mn et le col d'Arratille 2h... Le
premier problème est écarté : je les aurais retrouvé dans la
descente. L'autre
problème, est qu'ils se sont peut être égarés. Je remonte ; il n'y a
aucun bruit, aucun signe de vie. Heureusement le sentier et les
balisages sont visibles malgré l'épais
brouillard, mais je ne
doute pas que l'on puisse passer à vingt mètres les uns des autres
sans se voir! Le
lac d'Arratille lui même est à peine perceptible. Après le premier
col on a les deux pieds en Espagne pour traverser la grande combe et rejoindre le col des Mulets.
|
le
Marcadau
Bonzaï
!...
|
Descente
côté français dans les pierriers pour atteindre un plateau marécageux et d'innombrables
ruisseaux. Une grande bâtisse se dégage à gauche, mais il faut
vraiment être tout prés pour la voir! Refuge des Oulettes de
Gaube. Je
demande au gardien s'il a vu Patrick et Marie Angèle : personne! Il
est 15h30, je commence à ressentir la fatigue de ces montées et
descentes, je décide de rester ici. Persuadé qu'ils sont derrière
moi, ils vont arrivés... En
attendant, je demande au gardien de téléphoner aux autres refuges,
pour savoir si on les a vus! Dans
l'attente je commence à m'inquiéter. Peu
après 17h30, le gardien m'informe que Patrick et Marie Angèle viennent
d'arriver au refuge de Baysselance! Soupir
de soulagement... Je les croyais derrière, ils étaient devant! A
un moment donné ils ont suivi une trace, pendant que je les attendais
ou que je redescendais, se sont aperçus de leur erreur, revenus en
arrière pour retrouver le bon chemin, et donc étaient largement une
heure devant moi! Je préfère cette solution. On
se retrouvera demain... Les
Oulettes de Gaube est un refuge entièrement refait à neuf, et assez
confortable. Les travaux ne sont pas tout à fait terminés. Pour
ceux qui tiennent à leur petit confort, il n'y a pas d'eau chaude, et
je ne sais pas s'il y en aura un jour, malgré la robinetterie à deux
positions. De
toutes façons on est en montagne, et les Pyrénées plus solitaires et
plus sauvages que
les Alpes. Nous
sommes une vingtaine dans ce refuge, français, allemands, espagnols, et
anglais!
Mercredi
24 septembre 2008
Montée
à l'Hourquette d'Ossoue
Le
Vignemale et le glacier des Oulettes
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départ
du refuge des Oulettes
Je
me suis levé assez tôt, avec mes deux heures de plus à faire, je ne dois
pas traîner et la journée sera longue!
Il
est tout juste 7 heures et demie, il fait encore sombre mais les étoiles
sont dans le ciel. Le brouillard a disparu.
Je
quitte le refuge des Oulettes avec trois autres randonneurs. Nous
distinguons le bas du glacier des Oulettes qui devait arriver dans le temps,
assez près du refuge!
Le
sommet du Vignemale s'illumine : le soleil doit poindre à l'horizon. Mais déjà
une épaisse brume remonte de la vallée de Gaube.
Dans
la montée de ce long pierrier, je distingue au loin deux silhouettes, jaune
et rouge : Marie Angèle et Patrick sont sur la crête de l'Hourquette d'Ossoue!
J'y arrive, et nous sommes contents de nous retrouver...
|
Montée
à l'Hourquette d'Ossoue
(photo
Patrick)
|
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Nous
ne pouvons pas passer tout près du Petit Vignemale, sans y
faire un tour! D'autant plus que pour Marie Angèle c'est son
premier 3000... et en une quarantaine de minutes nous sommes au
sommet!
Mon
appareil ne répond plus! La batterie a froid....
La
vue est magnifique : devant nous la Pique Longue de Vignemale
3298m, plus haut sommet des Pyrénées françaises, et sa face
est, d'où descend un long couloir de roche. De l'autre côté
le long glacier d'Ossoue contourne le Petit Vignemale où nous
nous trouvons.
Plus
à l'est, les faces nord du cirque de Gavarnie, et à l'ouest le
Balaïtous et le Pic du Midi d'Ossau.
sur la crête de
l'Hourquette d'Ossoue (photo Patrick) |
Au
sommet du Petit Vignemale 3032m (photo Patrick)
Mer
de nuages sur les vallées (photo Patrick) |
La
descente dans ces éboulis est un peu plus délicates pour les genoux!
De
retour à l'Hourquette d'Ossoue, le sentier en pente douce mène au
refuge de Baysselance.
Refuge
de Baysselance (photo Patrick) |
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Petite pause avant de reprendre le chemin
pierreux qui passe devant plusieurs grottes creusées dans la roche.
C'est désolant de voir l'état dans lequel se trouvent ce qui pourrait
servir d'abri : entre les poubelles, couvertures de survie, déchets en
tous genres, on n'a pas envie d'y mettre un pied!
La
descente caillouteuse se termine en suivant l'Oulettes d'Ossoue :
torrent menant au lac et barrage d'Ossoue dans une zone de pâturage.
Nous
suivons la petite route, et à l'écart nous sommes attirés par le vol
de nombreux vautours. Un peu plus loin, une pauvre vache crevée est en
train de se faire dépecer!...
La
route empierrée, devient bitumée et nous mène au village de Gavarnie.
Le
cirque de Gavarnie est inscrit au Patrimoine Mondial de l'UNESCO. Les
parois de plusieurs niveaux atteignent 1500 mètres, d'où descendent de
nombreuses cascades qui rejoignent le Gave de Gavarnie.
Ce
soir nous faisons étape au très confortable gîte "le
Gypaète".
Enfin
une bonne douche chaude!
et
un excellent repas : Potage de légumes, Salade de crudités thon oeufs
durs, daube de bœuf coquillettes, tartelettes aux myrtilles.
Jeudi
25 septembre 2008
Nous
quittons le village en suivant le chemin du cirque, et sous un
épais brouillard, en espérant que çà ne recommencera pas comme mardi!
Une
fois passé l'Hôtellerie du cirque, le sentier se dirige vers la
cascade. Il nous faut repérer le passage conduisant aux fameuses
échelles des Sarradets. A vrai dire, rien n'indique la direction.
Patrick va à la rencontre de deux ou trois ouvriers près d'une
cabane en travaux, pour tenter de savoir où commence la montée.
On nous dit que le franchissement des échelles des Sarradets est
délicat, voire dangereux, et vertigineux, à ne pas entreprendre
si on n'est pas sûr de soi! Les accidents sont nombreux...
Tout
çà ne nous rassure pas, et nous passons un bon moment à nous
questionner tous les trois : ira-t-on? ira-t-on pas??
D'ici,
il n'y a que cette voie pour monter au refuge, autrement il faudrait
faire un grand tour en allant à l'opposé d'où nous sommes!
Nous
décidons d'aller voir ce que sont ces échelles : en nous disant
qu'une fois arrivés au pied, il sera toujours temps de revenir en
arrière, si cela nous paraissait insurmontable...
Nous
suivons une vague trace dans les éboulis, et remontons près d'une
paroi rocheuse derrière une longue faille invisible d'en bas!
Les
premières marques à la peinture en forme de H, apparaissent.
Pendant ce temps la brume se disloque et le bleu du ciel apparaît.
Il
faut grimper dans le rocher en s'agrippant aux prises, et en posant
le bout des pieds sur les cavités. Bien sûr ce n'est pas très
aisé avec un sac à dos de 10 kg ou plus, et les bâtons de marche,
dont on vante tant les mérites... mais je préfère les ranger sur
mon sac, et avoir les mains libres.
Nous
grimpons, nous grimpons, Patrick en-tête, Marie Angèle après, et
moi derrière.
Il
faut surtout faire attention où poser le pied, ne pas se retenir à
n'importe quel cailloux sans s'assurer qu'il est bien ancré, et
conservé ses trois points d'appuis.
Il
est préférable de ne pas se retourner : par moments on est
vraiment au dessus du vide, et plus on monte, plus il s'éloigne!
Sujets
aux vertiges s'abstenir. Il vaut mieux faire le grand tour par le
col des Tentes de l'autre côté.
Quant
à la descente, elle n'est pas conseillée aux novices.
Nous
arrivons ensuite sur une partie moins raide, avec de l'herbe
et des fleurs.
On
croyait voir des échelles métalliques fixées dans les
parois, et bien non ; il s'agit de rochers à gravir avec
les pieds et les mains... c'était çà les échelles.
La
pente remonte encore un peu par un sentier bien tracé, et
nous parvenons à une sorte de petit col, où nous faisons
notre pause bien méritée.
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les
échelles sont passées!
|
|
le
cirque et les cascades
Dans
les échelles (photo Marie Angèle)
|
Le
ciel est magnifiquement bleu, le soleil nous réchauffe, et nous pouvons
admirer d'en haut le panorama sur tout le cirque de Gavarnie, et la grande
cascade depuis sa source au glacier de la Brèche.
De
l'autre côté, le refuge des Sarradets au pied de la brèche de Roland, entourée
du Casque et du Taillon.
le
Cirque de Gavarnie vu d'en haut
|
Aconit
napel
le
Cirque de Gavarnie, et le massif du Marboré
|
vers
le refuge des Sarradets |
En
suivant une piste par les pierriers, nous arrivons au refuge des Sarradets,
ou de la Brèche.
Nouvelle
pause pour se restaurer un peu et se remettre en forme. Nous décidons de
monter à la Brèche de Roland. Nous ne sommes pas les seuls, il y a un va
et vient incessant!
|
refuge
des Sarradets |
Montée
à la Brèche |
|
Après
cette journée déjà bien remplie, monter là-haut sans le sac à dos,
est un petit plaisir.
Ici
aussi, le glacier au pied du refuge n'est plus qu'un tas de cailloux. Une
trace longe la moraine pour parvenir sur un replat pierreux où subsiste
à l'ombre un névé. Par une pente de neige glacée, nous devons franchir
quelques blocs et déboucher à la Brèche de Roland.
D'après
la légende, Roland de Roncevaux (neveu de Charlemagne), ayant perdu la
bataille de Roncesvalles, pour éviter que les infidèles s'emparent de
son épée Durandal, voulu la briser, et la frappa contre la roche de la
falaise. Cette faille impressionnante par sa taille, s'ouvrit.
Cette
ouverture permet un passage en Espagne, et l'ascension du
fameux Casque et du Taillon par le versant espagnol en est facilitée.
En
moins d'une heure trente nous faisons l'aller-retour ; une fois dans la
Brèche, le vent glacial ne permet pas d'y rester longtemps!
La
descente se fait par le même itinéraire.
Le
gardien nous informe qu'il n'y a pas d'eau!
Normalement,
une source sous le glacier alimente le refuge, mais la nuit dernière il a
gelé, et donc plus d'eau... Nous nous en passerons.
La
toilette sera plus vite faite, mais c'est plus gênant pour les toilettes,
heureusement à l'extérieur!
Bas
relief
|
Descente
de la Brèche vers le refuge
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Massif
du Vignemale |
Aaaahhh!
qu'il est bon ce retour aux refuges d'antan...
Les
dortoirs sont assez particuliers avec les bat-flanc à trois niveaux, et
vu l'espace qu'il y a en haut, je me demande si on peut arriver à se
coucher!
Nous
ne sommes qu'une vingtaine, donc loin d'être complet.
Dîner
très bien et copieux : Potage, salade de tomates, pâtes petits salés,
tartelettes au chocolat.
Brume
du soir aux Sarradets
|
Vendredi
26 septembre 2008
Nous
quittons le refuge des Sarradets à 8 heures ; le ciel est bleu, le
froid est vif! Nous sommes pour un bon moment à l'ombre. Une
brume épaisse, remonte des vallées. Il y a de
nombreux blocs à franchir pour parvenir au petit col, d'où nous
pouvons admirer le Vignemale rosir au soleil levant. Tous les sommets
environnants sont au dessus des nuages.
Lever
de soleil sur le Vignemale |
Au
dessus de Gavarnie |
|
Coucher
de lune sur le cirque |
Nous
rejoignons le bas du glacier du Taillon : un énorme pierrier à traverser
débouchant dans une cascade glacée par endroits. Nous sommes sur un
versant nord, la nuit était claire et froide. L'eau
gèle en coulant sur des pierres. Heureusement, les chaînes et mains
courantes nous rassurent un peu : mais çà gllliiissssseeee... Il
faut faire très attention en cette heure matinale! Un
peu plus bas, une trace suit la courbe de niveau tout le long du pierrier,
au pied du Taillon.
|
la
cascade d'éboulis gelés (photo Patrick) |
Le
soleil arrive maintenant jusqu'à nous, mais en s'approchant de la
crête frontalière le brouillard remonte et enveloppe le Port
Boucharo. Nous n'avons donc aucun point de vue sur le versant
espagnol. On
ne s'attarde pas, la fraîcheur se fait sentir. Nous
suivons le petit sentier caillouteux en descente dans la vallée
des Pouey Aspé, et ensuite une partie assez plane de prairie,
avec de nombreuses marmottes.
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Port
Boucharo dans la brume... |
et
la vallée des Pouey Aspé |
|
la
Brèche et
le Taillon vus d'en bas |
Chardon |
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La
brume s'est volatilisée à nouveau ; sous le soleil, nous pouvons
admirer d'en bas tout le chemin parcouru depuis le refuge. Nous
parvenons sur une butte avec moutons et brebis, avant d'aborder
une descente en lacets au milieu d'épicéas. Bientôt le village
de Gavarnie apparaît, tandis que le cirque et la cascade
reluisent sous les rayons du soleil.
|
Notre
randonnée se termine ici, après cinq bonnes journées de
marche dans cette partie des Hautes Pyrénées que j'ai
découvert en compagnie de Patrick qui connaissait déjà la
région, et de Marie Angèle qui parcourait aussi pour la
première fois ce coin des Pyrénées.
Chose
extraordinaire : avant de commencer cette rando aucun de nous
trois, ne nous connaissions, à part quelques coups de fil, ou
mails pour s'organiser.
|
Arrivée
à Gavarnie
|
En
terminant ce compte rendu, je ne peux m'empêcher de citer cette très
belle phrase de François MAURIAC : "Nous
méritons toutes nos rencontres ; elles sont accordées à notre destin,
et ont une signification qu'il nous appartient de
déchiffrer." |